Description du Projet

Objectifs 

L’objectif du projet est de permettre aux gouvernements centraux et locaux ainsi qu’aux résidents, artisans et petits commerçants de gérer le développement durable de leurs villes, promouvoir les économies locales, améliorer les conditions de logement et renforcer les capacités pour la protection du patrimoine culturel et urbain du Yémen.

Contexte

Le Yémen englobe de nombreuses villes d’importance historique et culturelle, dont trois (Sana’a, Shibām et Zabid) figurent au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le patrimoine national représente un grand potentiel socioculturel et économique en termes de renforcement de l’identité nationale, de développement de villes régionales de deuxième et troisième rang, et de garantie que les villes restent des attractions touristiques. Toutefois, ce potentiel doit encore être pleinement reconnu et exploité. Le Yémen est également un des pays les plus pauvres du Monde arabe, avec 42 pour cent de la population vivant avec moins de 2 dollars par jour et avec un taux de chômage d’environ 35 pour cent. Les niveaux de chômage parmi les jeunes sont particulièrement élevés, au même titre que les inégalités entre les sexes, les femmes rencontrant de nombreux obstacles pour accéder aux opportunités économiques, sociales et politiques.

Les villes historiques du Yémen sont menacées par la croissance urbaine, l’absence de programmes cohérents de gestion et un exode des membres nantis de la communauté. Aucune activité systématique de développement économique n’est mise en œuvre, et de nombreux logements et bâtiments publics sont mal entretenus et risquent de s’effondrer, engendrant des conditions de logement déplorables pour les résidents. Les techniques traditionnelles de construction se perdent et les réparations des bâtiments historiques sont mal réalisées. La vieille ville de Shibām – connue sous le nom de « Manhattan du désert » à cause de ses gratte-ciels en briques de terre – compte une population d’environ 3.000 habitants vivant dans 470 immeubles à plusieurs étages. À Zabid, une ville de 25.000 habitants, 40 pour cent des maisons de la ville ont été remplacées par des bâtiments en béton, alors que de nombreuses autres maisons sont en très mauvais état.

Principales caractéristiques

Le projet MEDINA implique la rénovation urbaine participative de villes historiques au Yémen. Développé en 2007 dans le cadre d’un accord bilatéral entre le gouvernement yéménite et le gouvernement allemand, le projet a débuté avec les villes historiques de Shibām et Zabid et est maintenant adapté et transféré dans d’autres villes du pays.

Les éléments clés du projet incluent :

  • Le programme de logement : fourniture d’une aide technique et d’incitations financières pour encourager la rénovation, la restauration et la reconstruction de bâtiments résidentiels historiques, en améliorant les conditions de vie, en utilisant des matériaux locaux et en renouant avec les techniques traditionnelles de construction. Des formations sont données aux artisans sur les techniques de construction utilisant la pierre et le bois. Ces travailleurs peuvent maintenant poser leurs candidatures pour de nouveaux emplois et signer des contrats en dehors des zones de rénovation.
  • Des plans intégrés de gestion urbaine impliquant les communautés et les sociétés locales ainsi que les gouvernements nationaux et locaux dans la rénovation urbaine participative. Un forum de réhabilitation urbaine a été créé pour permettre la prise conjointe de décisions et un dialogue entre les différents acteurs, incluant des femmes et des jeunes.
  • La promotion du développement économique : des mesures économiques, telles que la promotion des entreprises et la microfinance, sont utilisées pour aider des groupes locaux à démarrer, moderniser ou améliorer des activités locales et des projets spécifiques. Ces activités vont de l’introduction de l’agriculture à Shibām et la revitalisation du souk central de Zabid, à la réhabilitation des structures de drainage à Jiblah. Différentes formations sont données pour maximiser les opportunités de génération de revenus.

Si l’on considère généralement que le patrimoine du Yémen offre un intérêt visuel, celui-ci n’est pas considéré comme étant essentiel pour le développement urbain. Toutefois, les résultats de la première phase du projet ont déjà démontré les avantages de la rénovation urbaine participative. Elle améliore les conditions de vie, promeut les petites entreprises et a un impact positif sur les revenus et l’emploi dans le secteur de la construction. Le moteur de ce projet de réhabilitation n’est pas la préservation des bâtiments, malgré leur importance architecturale internationale, mais bien la création de nouvelles structures économiques et sociales qui restaureront la vitalité de la ville et encourageront la participation active des résidents dans la gestion de la rénovation de leur ville.

L’initiative a été mise en œuvre par l’Agence allemande pour la Coopération internationale (GIZ, anciennement GTZ) en partenariat avec l’Organisation pour la préservation des villes historiques du Yémen (GOPHCY) et d’autres partenaires locaux, nationaux et internationaux.

Outre la préparation de schémas directeurs et de plans de conservation urbaine, la GIZ a aidé la GOPHCY à développer une Loi pour la préservation des villes historiques, en vue de permettre aux autorités de mieux contrôler les infractions en matière de construction ainsi que les constructions non planifiées dans les villes historiques.

La première phase du projet s’est déroulée de 2007 à 2010 (les travaux de réhabilitation urbaine à Shibām ont en réalité débuté en 2000 sous le nom de projet de développement urbain de Shibām) et la deuxième phase du projet s’est terminée en juin 2012. Cette deuxième étape a consisté à consolider, systématiser et légaliser les processus réalisés à Shibām et Zabid, permettant l’étendue de l’approche dans d’autres parties du pays.

Quel est son impact ?

  • La plupart des gratte-ciels historiques de Shibām (66 pour cent) ont déjà été rénovés, avec 228 propriétaires à Zabid (10 pour cent) participant au programme de logement, employant près de 2.000 travailleurs qualifiés et non qualifiés. De nombreux acteurs locaux perçoivent maintenant la conservation, l’amélioration des logements et les efforts de développement comme une opportunité pour améliorer les conditions de la ville, et nombre d’entre eux ont investi leurs propres ressources dans la rénovation de leurs logements.
  • Des formations sont données aux constructeurs et artisans qui peuvent à présent postuler pour des emplois en dehors des zones de rénovation. À Shibām, le secteur de la construction représente maintenant 10 pour cent des revenus régionaux.
  • Certaines parties du vieux souk ont été rénovées, stimulant l’économie locale et bénéficiant aux petits entrepreneurs.
  • Le projet a rassemblé des représentants de l’administration locale, des ONG, et des dirigeants religieux et sociaux.
  • Les communautés locales, notamment les femmes et les jeunes, ont acquis de nouvelles compétences et possèdent à présent un sentiment d’appartenance.
  • La GIZ a travaillé pour renforcer les compétences des acteurs nationaux comme la GOPHCY et l’Autorité générale des Terrains, des études et de l’urbanisme (GALSUP), améliorant leurs capacités à élaborer des politiques en matière de développement urbain.

Comment est-il financé ?

Le coût total du projet s’élève à environ 8 millions d’euros, dont 2 millions ont été fournis par le Fonds social pour le développement du Yémen et les 6 millions restants ont été fournis par le Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ). Le budget couvre les activités économiques locales à Shibām et Zabid (35 pour cent du coût total), les mesures de réhabilitation via le programme de logement à Shibām et Zabid (50 pour cent des coûts) et les formations et le renforcement des capacités pour la communauté locale (artisans, associations) et le personnel de la GOPHCY (15 pour cent des coûts). L’UNESCO a fourni une expertise technique ainsi qu’une aide financière pour l’activation du vieux souk (marché). Les résidents prennent en charge entre 40 et 65 pour cent des coûts de rénovation de leurs propres logements (les 35 à 60 pour cent restants sont subventionnés), incluant la main-d’œuvre et les contributions en cash ou en nature. Ils sont chargés de l’entretien de leurs logements.

Aspects innovants 

  • Le projet utilise la préservation du patrimoine comme point de départ pour répondre aux besoins d’une communauté et développer des processus de rénovation urbaine, améliorant les conditions de logement et le développement économique local.
  • Le projet implique une approche intégrée et participative avec un accent sur l’inclusion sociale et la promotion d’une nouvelle approche pour fournir des logements qui encourage les résidents à utiliser des ressources disponibles plutôt que d’attendre des ressources publiques.
  • La création d’un forum de réhabilitation urbaine offre un espace de dialogue et de prise conjointe de décisions sur des questions urbaines, rassemblant des communautés et des représentants gouvernementaux.

Quel est son impact sur l’environnement ?

Les matériaux de construction varient entre les différentes villes selon l’environnement et le climat, mais tant à Shibām qu’à Zabid, des matériaux locaux ont été utilisés pour les constructions. Les gratte-ciels de Shibām sont construits avec des briques de terre et du bois dur local, avec des enduits composés de terre mélangée avec du foin et de la paille, et de la chaux pour l’étanchéité. À Zabid, caractérisée par un climat chaud et humide, les briques cuites et la chaux sont les principaux matériaux traditionnels de construction. La GTZ a commandé une étude réalisée par le Centre de Ressource Suisse (Skat) sur l’optimisation de la production de chaux à Shibām et la revitalisation de la production de briques traditionnelles à Zabid, se concentrant également sur l’utilisation durable des ressources naturelles pour le chauffage.

Le projet se concentre sur la sensibilisation du public sur l’importance de la préservation des espaces ouverts pour garantir une ventilation saine ainsi que sur la préservation de la structure unique de la ville. Les bâtiments sont naturellement ventilés et englobent des éléments permettant un refroidissement passif, avec des murs très larges protégeant l’intérieur de la chaleur extérieure extrême et gardant l’intérieur frais et confortable. Les logements à Zabid sont situés autour de courts ouvertes.

L’eau utilisée dans les tanneries indigo de la ville a été recyclée et mélangée avec de l’argile à Zabid (donnant aux briques leur teinte légèrement bleutée). Outre le projet MEDINA, la Banque allemande du développement et la SFD ont créé des réseaux hydrauliques et des réseaux d’assainissement, et ont posé des câbles électriques souterrains.

Viabilité financière

À Zabid et Shibām, le programme a généré de l’emploi pour 571 ouvriers qualifiés et 1.389 ouvriers non qualifiés. Des parties de l’ancien souk ont été rénovées, avec le soutien de petits entrepreneurs. Le projet a permis de contrer l’exode de la ville historique via une approche bien calculée qui encourage la communauté à préserver son propre patrimoine.

En plus de bénéficier d’une aide technique, les propriétaires intéressés qui ne pouvaient auparavant pas prendre en charge la restauration de leurs logements sont maintenant en mesure de le faire grâce aux fonds octroyés via le projet (35 pour cent de subsides à Shibām et 50 pour cent à Zabid – avec un maximum de 60 pour cent pour les plus nécessiteux). Les contributions des résidents peuvent se faire en cash ou en nature, incluant la main-d’œuvre, et la sélection des projets à financer se base sur les besoins, le degré de dégâts matériels et la localisation au sein de la ville.

Quel est l’impact social du projet?

Grâce à son approche intégrée et participative, le projet a réuni des résidents, des petites entreprises locales, des dirigeants sociaux et religieux, et des autorités locales, qui sont tous impliqués dans le processus de réhabilitation urbaine. Les résidents locaux ont été activement impliqués dans le processus décisionnel, la planification, la mise en œuvre et le suivi des activités de développement. Le Forum de réhabilitation urbaine offre un espace où les résidents de la communauté et d’autres acteurs peuvent partager leurs opinions et où les dirigeants locaux peuvent établir un dialogue avec la communauté et développer une approche commune pour résoudre des problèmes affectant la ville et ses habitants de manière transparente. Une grande exposition sur la conservation urbaine s’est tenue à Zabid et des discussions publiques se sont tenues avec des acteurs clés.

Le projet a cherché à lutter contre les inégalités sociales existantes, permettant aux femmes et aux jeunes de participer aux activités et aux processus décisionnels dont ils auraient été normalement exclus. Leur contribution a notamment permis la création de davantage d’espaces publics où les femmes peuvent se rendre avec leurs familles, et a permis de développer davantage d’opportunités pour les jeunes.

Des formations ont été fournies aux constructeurs et aux artisans sur les techniques traditionnelles de construction, et une association de maîtres bâtisseurs a été créée, où les jeunes bâtisseurs peuvent apprendre de l’expérience des maîtres bâtisseurs. Des cours supplémentaires en comptabilité, marketing, peinture, photographie, production de cuir, couture, orfèvrerie, artisanat et microfinance ont été fournis aux résidents, avec 723 femmes et 268 hommes formés via le programme. Le GIZ et l’UNESCO ont contribué au renforcement institutionnel et au renforcement des capacités de la GOPHCY et des autorités locales.

Nombre des bâtiments restaurés via le projet avaient été fortement détériorés et risquaient de s’effondrer. Le projet a non seulement garanti la préservation du patrimoine architectural mais a également créé des conditions de logement plus sûres pour les résidents.

Obstacles 

  • Un des principaux obstacles était l’opposition initiale de la communauté locale, notamment à Zabid, qui ne voyait pas les avantages de vivre sur un site inscrit au patrimoine mondial. Au contraire, ils voyaient la restriction relative aux constructions dans la ville comme une menace directe à la valeur des propriétés et un obstacle à leurs droits au développement. Ils ont d’abord rejeté les efforts en matière de conservation, demandant même à leurs politiciens de retirer Zabid de la liste du patrimoine mondial. Dès lors, certains dirigeants locaux hésitaient à collaborer avec le projet par crainte de perdre le soutien de leur électorat. Toutefois, dès que les locaux ont commencé à voir les avantages manifestes de la conservation, le projet a commencé à bénéficier de leur soutien.
  • L’opposition initiale à la participation des femmes dans la sphère publique a été battue en brèche, et les femmes participent maintenant activement dans le processus de réhabilitation et dans les formations, qui sont devenues une source de fierté au sein de la communauté.
  • Les dégrations importantes du patrimoine physique, la construction de nouveaux bâtiments sans tenir compte de considérations techniques et sans permis de construire, l’occupation des espaces ouverts et le manque de services publics sont des problèmes qui sont abordé grâce à la supervision de la GOPHCY, le projet de rénovation urbaine et des nouveaux projets liés à l’infrastructure.
  • D’autres obstacles, comme les niveaux de pauvreté et de chômage et le manque de travailleurs qualifiés, sont peu à peu éliminés grâce aux formations et à la création d’emploi qui font partie du projet. La situation politique actuelle au Yémen crée toutefois une situation d’incertitude par rapport à l’avenir du projet.

Leçons retenues 

  • L’approche intégrée et participative est essentielle pour le succès du projet et s’est avérée être un outil important pour la facilitation de la mise en œuvre du projet.
  • Des réunions régulières auxquelles assistent des représentants de la communauté, des représentants de l’autorité locale et l’équipe de gestion du projet sont importantes pour garantir une meilleure intégration sociale. Les communications et les réunions avec les groupes cibles ont notamment contribué à garantir une excellente coordination avec la communauté, à bâtir une relation de confiance et à éliminer plusieurs obstacles.
  • Au lieu de sélectionner et de restaurer des logements dispersés un peu partout dans la ville, il était utile de se concentrer sur des quartiers prioritaires.

Évaluation

Un suivi régulier est effectué par l’UNESCO sur les sites inscrits au patrimoine mondial, la visite la plus récente ayant eu lieu en 2011. Une des responsabilités du Forum sur la réhabilitation urbaine créé à Zabid sera de suivre les résultats du processus de réhabilitation urbaine et d’évaluer son impact.

Transfert

La direction du programme de rénovation des logements à Shibām et Zabid a été confiée par la GIZ aux municipalités et à la GOPHCY, qui travaille maintenant pour consolider les approches utilisées à Shibām et Zabid en vue de développer des concepts similaires de développement urbain participatif. À présent dans sa deuxième phase (2011-2012), il adapte ces approches dans d’autres villes. Le transfert de l’approche a débuté dans les villes de Jiblah, Thula et Hababa, mais le processus est actuellement suspendu à cause de la situation politique actuelle au Yémen.

Des tables rondes ont été organisées à Jiblah où, avec la participation de tous les acteurs concernés, dont des femmes, des plans d’action seront développés pour les mesures relatives à la rénovation urbaine. Des échanges se sont également déroulés entre différents groupes de femmes à Shibām, Zabid et Ta’iz et des visites d’échange ont été organisées avec des étudiants, des représentants et des experts au Yémen et en Allemagne.

Des organismes nationaux comme la GOPHCY et GALSUP sont intégrés dans les processus locaux afin de pouvoir développer une grande politique de développement urbain. MEDINA cherche également à mettre en place un Réseau de villes historiques pour faciliter l’échange d’expériences.