La continuité de l’approche urbanistique intégrée au cours des 30 dernières années a engendré le développement de Fribourg en tant qu’exemple marquant de mode de vie durable dans une ville « pauvre en voitures ». Deux extensions urbaines, Vauban et Rieselfeld, fournissent des logements à 17 500 personnes et ont été développés en utilisant des technologies à faible teneur en carbone et d’excellents systèmes de transports en commun. L’intention était de développer ces quartiers respectueux de l’environnement tout en garantissant des structures sociales bien établies. Un facteur de succès de l’approche de la ville de Fribourg est de placer l’accent sur la participation des citoyens et sur la démocratie active, permettant d’engager de nombreux acteurs dans son approche radicale d’urbanisation.

 

Description du projet

Objectifs

Créer une ville durable sur le plan environnemental et sur le plan social grâce à une planification éclairée et une utilisation pionnière des énergies renouvelables.

Contexte

Fribourg est une ancienne ville universitaire avec une population de 220 000 habitants, située au sud de l’Allemagne près des frontières suisse et française. Il s’agit d’une ville riche avec un PIB par habitant supérieur de 11% à la moyenne européenne et avec le plus grand nombre d’heures d’ensoleillement d’Allemagne, avec plus de 1 700 heures par an. L’urbanisation et le développement urbain ont toujours eu un impact spécial sur Fribourg. Après les destructions dévastatrices de la Deuxième Guerre mondiale et la destruction de 85 pour cent du centre-ville, les pierres angulaires du développement exemplaire de Fribourg ont été posées durant les années d’après-guerre. La ville a été reconstruite à partir des années 1950, en tenant compte des caractéristiques urbaines traditionnelles et du patrimoine culturel, mais en plaçant l’accent sur le développement durable. Dans les années 1960, la décision déterminante fut d’utiliser le réseau de tram comme élément central du développement urbain de Fribourg et, par conséquent, de l’agrandir en fonction. En outre, le concept « une main, cinq doigts » a été développé pour l’allocation d’espaces verts dans des zones clairement distinctes des zones de construction. Ces éléments – le tram et la séparation des zones vertes et des zones de construction – sont toujours les principaux aspects de l’urbanisation actuelle de Fribourg.

Le service de l’urbanisme est un des principaux services de la municipalité et a toujours été progressif, introduisant par exemple la piétonisation dans le centre-ville en 1949, et refusant de construire des centres commerciaux en dehors de la ville. La ville dispose d’un système politique stable, les écolos étant à la tête du gouvernement municipal depuis plus de dix ans. Avec jusqu’à 35 pour cent des votes de la ville, les Verts sont le parti le puissant de toutes les grandes villes allemandes.

Principales caractéristiques

Le processus d’urbanisation durable a débuté dans les années 1970 lorsque les citoyens de Fribourg ont rejeté la construction d’une centrale nucléaire. En 1986, avec la catastrophe nucléaire de Tchernobyl toujours dans les esprits, le conseil municipal de Fribourg a décidé de développer une politique énergétique basée sur les énergies renouvelables dans la mesure du possible. Cela a mené au développement de Fribourg en tant que modèle mondial de vie urbaine durable. La ville compte en outre des quartiers « pauvres en voiture ».

Fribourg accorde beaucoup d’importance au fait de se déplacer à pied, à vélo ou en transports en commun, avec des quartiers sans voitures et des niveaux élevés d’accessibilité pour les personnes de tout âge. Elle se veut être une « ville de courtes distances ». Cela implique trois grandes stratégies : la limitation de l’utilisation des voitures dans la ville, en fournissant des alternatives efficaces à la voiture et en règlementant l’utilisation du sol pour prévenir la prolifération urbaine. Deux-tiers de la surface de Fribourg se compose d’espaces verts. Seuls 32 pour cent est utilisée pour le développement urbain, incluant les moyens de transport. Les forêts représentent 42 pour cent, alors que 27 pour cent de la surface est utilisée pour l’agriculture, les loisirs, la protection de l’eau, etc.

À la suite de la catastrophe de Tchernobyl en 1986, Fribourg a fait de l’économie des ressources un élément central de l’urbanisation, en plaçant l’accent sur les transports en commun plutôt que sur l’utilisation des voitures, et en fixant comme objectifs de réduire la consommation d’énergie des bâtiments et de développer l’urbanisation grâce à des programmes d’autofinancement. Les deux grandes extensions urbaines de Vauban et Rieselfeld ont été développées selon ces principes. Ces deux quartiers ont été construits sur des sites industriels, Vauban étant situé sur le site d’une ancienne caserne militaire et Rieselfeld étant situé sur une zone de lagunage. Vauban est un quartier de 5 500 habitants, situé à quatre kilomètres au sud du centre-ville de Fribourg, et considéré comme un des plus grands quartiers solaires d’Europe. Toutes les maisons de Vauban sont construites selon des normes de faible consommation d’énergie – maximum 65 kWh/m²/an (la consommation d’énergie moyenne pour les nouvelles constructions en Allemagne est d’environ 100 kWh/m²/an et 200 kWh/m²/an pour les anciennes maisons). Les technologies à faible teneur en carbone incluent le chauffage à partir d’une centrale de cogénération, de capteurs solaires et de panneaux photovoltaïques. L’autoconstruction est largement utilisée à Rieselfeld, une extension urbaine de 12 500 habitants démarrée en 1992. Des lignes directes de transports en commun ont été créées vers le centre-ville. Le plan actuel d’utilisation du sol de la ville se concentre sur l’optimisation de l’infrastructure existante. Bien que la nouvelle concentration concerne principalement le développement intérieur, le nombre d’habitants à Fribourg est en hausse et le nombre d’emplois (principalement dans les domaines universitaires et dans les sociétés scientifiques) est également en hausse constante.

Le succès de la ville de Fribourg est en grande partie dû à sa force démocratique. Les trois grands facteurs sont la participation directe des citoyens, la planification dynamique et le consensus. La démocratie active fut manifestée pour la première fois lorsque les citoyens se sont opposés à la construction d’une centrale nucléaire. Ce militantisme a évolué vers une implication directe des citoyens dans l’urbanisation, le budget de la ville, les comités d’expertise technique, les informations publiques sur le développement durable, et en tant qu’actionnaires des fournisseurs locaux d’énergies renouvelables (comme les énergies solaires et éoliennes). L’implication des citoyens a également été manifestée dans l’élaboration d’un consensus à Fribourg sur le développement durable parmi les principaux acteurs. Cela a permis d’atteindre différents objectifs au cours du temps.

Coûts

Les sources de revenus disponibles pour les autorités municipales ont été utilisées pour mettre en œuvre ce projet. Les quartiers de Vauban et Rieselfeld ont été construits sans contribution du budget municipal. Les revenus générés par la vente de terrains à des coopératives, individus et petits promoteurs ont permis de couvrir le coût des terrains ainsi que les infrastructures physiques et sociales nécessaires que la ville a fournies.

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Impact

  • Les conditions de vie à Fribourg sont reconnues comme étant parmi les meilleures d’Allemagne, non seulement grâce au climat naturel et aux merveilleux paysages, mais également grâce à l’implication active des citoyens dans les processus décisionnels et au mode de vie durable de la ville.
  • Les citoyens de Fribourg ont une bonne connaissance des problèmes environnementaux, ce qui joue un rôle sur leurs choix de mode de vie.
  • En tant qu’exemple national d’urbanisation urbaine, les idées développées dans la ville ont été utilisées dans différents pays du globe.
  • Le projet en soi implique le développement de politiques locales d’urbanisation, qui ont également été utilisées dans d’autres villes. Fribourg est très connue en Allemagne pour ses approches durables, qui ont influencé tant le gouvernement régional que le gouvernement national. L’Allemagne possède à présent une des politiques les plus importantes de protection de l’environnement en Europe.

 

Aspects innovants

  • Le développement il y a trente ans d’une approche intégrée d’urbanisation pour développer une ville respectueuse de l’environnement, bien avant que ces approches soient reconnues.
  • L’accent placé sur l’implication des citoyens dans les processus décisionnels de la ville.
  • La reconnaissance de l’importance d’un système intégré de transports en commun dans toute la ville en créant une « ville de courtes distances », permettant une utilisation importante des transports publics, des vélos et de la marche.

 

Quel est l’impact sur l’environnement ?

Les constructions à faible consommation énergétique sont obligatoires dans le quartier de Vauban ; les constructions à consommation énergétique quasi nulle et l’utilisation de technologies solaires sont la norme. Le quartier compte plus de 50 maisons passives et au moins 100 maisons produisant de l’énergie, ce qui en fait un des plus grands « quartiers solaires » d’Europe.

Fribourg est un centre innovant de génération d’énergie durable, qu’il s’agisse d’énergie solaire, éolienne, hydroélectrique ou autre. L’utilisation massive de sols perméables, de terrasses végétalisées (pour récupérer l’eau de pluie) et de toits verts permet d’économiser de l’eau. Les propriétaires doivent payer une taxe sur les eaux pluviales calculée selon le pourcentage de leur terrain qui est perméable.

La stratégie de Fribourg pour la protection du climat 2030 sert de cadre pour des actions locales dans des domaines clés prédéfinis pour la réduction des émissions de GES. La ville place à présent l’accent sur l’atteinte d’un nouvel objectif, à savoir la réduction d’ici 2030 de 40 pour cent des émissions de GES par rapport à 1992, à l’aide d’un plan d’action et d’une structure établie pour soutenir la mise en œuvre et la participation des citoyens.

Vauban est pour ainsi dire un quartier sans voitures, plus de 70 pour cent des ménages ne possédant pas de voiture. Les résidents qui possèdent une voiture doivent acheter un espace de parking dans un parking à plusieurs étages situé aux abords du quartier à un prix de 23 350 dollars, assorti d’une location mensuelle. Les responsables des transports utilisent cinq mécanismes pour encourager des modes de transport sains et durables : l’agrandissement du réseau des transports publics ; la limitation de la circulation ;  la gestion du trafic automobile ; la gestion des espaces de parking ; et la promotion du vélo. Aujourd’hui, le quartier compte un réseau de tram de 30 kilomètres, connecté à réseau de bus de 168 kilomètres ainsi qu’au système ferroviaire régional. Soixante-dix pour cent de la population vit à moins de 500 mètres d’un arrêt de tram.

 

Le projet est-il viable sur le plan financier ?

La stabilité du système politique, avec une forte présence des Verts, permet de garantir la continuité des financements publics. La ville adopte une approche commerciale terre-à-terre par rapport au développement. Les emprunts doivent être remboursés, les subventions sont limitées et seuls cinq pour cent des logements de Rieselfeld sont financés par la municipalité. Les dépenses en matière de routes sont réduites au maximum, la plupart des rues ne faisant que quatre mètres de large et étant limitées à l’utilisation de voitures uniquement. La municipalité impose une taxe sur les plus-values foncières, les autorités municipales prenant un tiers des plus-values sur la vente de terrains. Les terrains pour les constructions sont vendus par petites parcelles (190 à 210m²) avec des limites sur le nombre de parcelles pouvant être achetées par un seul groupe, favorisant ainsi les petits promoteurs ou les coopératives. À Vauban, moins de 30 pour cent des terrains ont été achetés par des grands promoteurs immobiliers, 70 pour cent des terrains étant vendus à des petits promoteurs ou à des coopératives, ce qui a engendré 175 projets de construction différents.

Les logements sont assez abordables dans la ville, reflétant partiellement le marché immobilier allemand avec son faible taux d’inflation des prix des logements. La ville compte un large pourcentage de locations abordables (80 pour cent du parc). Les coopératives permettent de garder l’accès à la propriété abordable avec des coûts de construction nettement plus bas que les constructions de même qualité achetées à un promoteur immobilier.

La ville est une des plus riches d’Allemagne et a développé des services spécialisés en énergies renouvelables. L’université est une des principales institutions de recherche en matière d’énergies renouvelables. Plusieurs petites sociétés écologiques ont été créées. Par exemple, Genova, une société privée, réalise des concepts écologiques d’installations solaires pour des logements sociaux.

 

Quel est son impact social ?

Fribourg a toujours placé l’accent sur la participation des citoyens. Les citoyens disposent de nombreuses opportunités pour s’impliquer dans la communauté et dans des campagnes municipales pour la protection de l’environnement. Lorsque les deux nouveaux quartiers ont été développés, des forums communautaires locaux ont été établis pour soutenir le conseil municipal et l’encourager à aller de l’avant.

Les nouvelles extensions urbaines de la ville ont un caractère familial, la ville se voulant être une « ville de courtes distances ». Il y a de plus en plus de centres communautaires où les résidents peuvent organiser des réunions et des activités, partager un repas, etc. La participation de la communauté dans le plan d’urbanisme de la ville a impliqué 19 groupes de travail composés de techniciens et des communautés locales.
À Vauban, la ville a utilisé les principes du mouvement d’architecture communautaire, encourageant les groupes à collaborer avec leurs propres architectes pour développer des blocs d’immeubles dans des espaces définis. À Rieselfeld, l’accent a été placé sur l’autoconstrucion et la municipalité a fourni différents sites, permettant aux résidents de disposer de réductions de 25 pour cent sur la construction de leurs logements. Plus de 100 promoteurs différents ont été impliqués (20 pour cent étaient des coopératives).

La promotion de l’utilisation de la marche et des vélos plutôt que des voitures, la disponibilité des produits locaux et le développement de réseaux communautaires ont permis d’améliorer la santé et la sécurité des résidents locaux. Les quartiers « pauvres en voiture » comme Vauban et Rieselfeld permettent aux enfants de jouer à l’extérieur en toute sécurité. L’accent placé sur la durabilité sociale dans tous les aspects de la vie a permis de réduire les inégalités sociales. Il est à présent difficile de juger la richesse des habitants sur base de l’extérieur de leur maison.

En 2008, la municipalité de Fribourg a organisé des réunions et des discussions en ligne sur la budgétisation participative avec l’utilisation d’un simulateur de budget, permettant aux citoyens de mieux évaluer les impacts de leurs choix. Les résultats de ce processus volontaire étaient ensuite collectés et publiés par les participants mêmes du processus.

 

Obstacles

De nombreux habitants de la ville se sont tout d’abord opposés à ce projet, notamment ceux qui habitaient dans les faubourgs, car ils ne voulaient pas réduire leur dépendance à la voiture et souhaitaient disposer de centres commerciaux en dehors du centre-ville. La municipalité a également été confrontée à l’opposition des promoteurs immobiliers qui désiraient avoir carte blanche dans le développement de la ville. Dès lors, la ville a élaboré une stratégie claire d’urbanisation et a convaincu les promoteurs et les résidents qu’il s’agissait d’un bon choix qui leur permettrait de s’impliquer dans les discussions et les processus décisionnels.

 

Leçons retenues

  • Il importe de mettre en œuvre des politiques controversées par étapes, en sélectionnant premièrement des projets qui conviennent à tous.
  • Les projets doivent rester flexibles pour pouvoir être adaptés au cours du temps selon l’évolution des conditions.
  • Les politiques doivent englober des mesures coercitives et des mesures d’incitation pour encourager les personnes à modifier leurs comportements, en rendant par exemple le parking plus cher et plus difficile mais en facilitant en contrepartie l’utilisation des transports publics, des vélos et de la marche.
  • Il importe d’organiser l’urbanisation et les transports de façon intégrée pour garantir de courtes distances.
  • La participation des citoyens doit faire partie intégrante de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques.
  • L’aide du gouvernement régional et du gouvernement national est essentielle pour l’efficacité des politiques locales.
  • Il importe de fixer des objectifs à long terme.
  • Les responsables municipaux doivent s’engager à long terme, mais toujours avec le soutien et l’implication des résidents.
  • Il faut se montrer créatif lorsque l’on travaille avec différents investisseurs et autres acteurs.
  • Il importe de célébrer les succès avec les citoyens.
  • La continuité est essentielle.

 

Évaluation

Un suivi est réalisé via différentes activités municipales pour garantir la mise en œuvre de la stratégie de Fribourg pour la protection du climat 2030 afin de réduire les émissions de GES de 40 pour cent d’ici 2030 par rapport à 1992.

 

Transfert

Fribourg est depuis longtemps un exemple d’excellence pour les urbanistes qui recherchent des modèles d’urbanisation durable. Les médias ont largement couvert l’approche pionnière de Fribourg, qui a également été mentionnée à de nombreuses reprises dans la littérature universitaire. La municipalité et son service d’urbanisme ont reçu de nombreux applaudissements et prix au cours des 30 dernières années. Parmi les récents prix figurent la Ville européenne de l’Année 2010 (Académie de l’Urbanisme), la Capitale verte européenne (Finaliste 2009) et la Capitale fédérale pour la protection du climat 2010.

La municipalité a élaboré la Charte de Fribourg comprenant 12 principes pour guider la planification et le développement d’une ville durable. Cette Charte est utilisée par des services d’urbanisme des quatre coins du globe, et de nombreux congrès internationaux sont organisés sur cette approche. Des professionnels se sont rendus à Fribourg pour apprendre comment il serait possible d’établir une charte similaire dans leurs propres pays et ont découvert les bonnes pratiques de la ville en matière d’énergie, de transport et de traitement des déchets.

Des villes locales ont adopté de nombreuses pratiques développées par Fribourg. D’autres villes allemandes continuent d’étudier l’expérience de Fribourg, les urbanistes et les dirigeants municipaux cherchant à développer des approches similaires. Le modèle de Fribourg s’est étendu à d’autres villes de pays voisins, comme Mulhouse en France et Bâle en Suisse. Fribourg est jumelée avec neuf villes autour du monde et poursuit ses contacts avec ces villes.